Skip to content

On hold


« Tout a commencé ici, dans mon atelier au sixième étage, pendant le confinement, à Paris.
J’étais seule, à un moment où vraisemblablement les gens l’étaient aussi. Mes journées se répétaient: je tissais avec des fils de papier, polyester et lin. Des tissages monochromes sont apparus sur mon métier à tisser. Monochromes de couleurs noir, blanc, gris, bleu que j’ai coupés et recousus. Manque de fil et magasins fermés, j’avais gardé des chutes de fils de mes tissages pour en créer de nouveaux. Les chutes passaient à la machine à laver pour créer une nouvelle trame au contact de l’eau. La machine à laver était devenue mon deuxième métier à tisser. Quand je descendais au deuxième étage dans l’appartement – mes trois colocataires étaient partis- , je dessinais mes croquis préparatoires, j’étendais les fils des bobines de polyester que je chauffais au fer à repasser puis je les mélangeais, les découpais et les cousais. Ma Singer était toujours allumée.

Mon atmosphère était paisible, j’étais avec mes tissages. Dehors, c’était calme. Où était le bruit du monde, le bruit de la ville? Quelques fois, je sentais une tension dans la ville, j’entendais les sirènes des ambulances, puis cet affolement disparaissait et tout redevenait à nouveau silencieux.
Ce contraste me bouleversait. On était entre le silence et le bruit, entre la patience et l’urgence. Au commencement, je voulais retranscrire cette opposition selon un point de vue social et politique, en me servant de la presse mondiale pour exposer mon point de vue dans cette atmosphère chaotique. Je voulais surtout dénoncer les inégalités plus criantes encore dans ce contexte, j’avais emmagasiné des articles, des textes et des photographies. C’était pour moi revenir à l’agitation du monde, à mon quotidien parisien, à ce que je connais et à ce qui me rassure, parallèlement à ma soif de découverte aussi.

En tissant des œuvres en Noir et Blanc d’un même corpus mais toutes différentes, j’ai trouvé mon moyen d’expression pour illustrer cette idée. Le Noir et le Blanc forment le parfait couple contraire. Le Blanc prend naissance dans la lumière et le Noir habite l’espace par l’ombre, la matière et la surface. Ce n’est jamais l’un sans l’autre. « Dans les cultures anciennes, il y a des noirs mats, brillants, légers, profonds, durs, tendres, des noirs tirants vers les gris, le brun et même le bleu. Il y a des blancs aussi (sans lequel le noir serait triste), les blancs mats, neutres et lumineux ». Noir – Histoire d’une couleur, Michel Pastoureau, 2008, édition du Seuil.

Le Noir et le Blanc sont venus très rapidement sur ma toile. La sérigraphie m’a permis de retranscrire mes collages avec de la matière à la surface. L’encre épaisse et grasse s’est déposée sur la maille. Certaines parties sont plus imprimées que d’autres: on passe d’un Noir mat à un Gris béton. Il y a une grande part de hasard lorsque j’imprime. Les tons varient et suggèrent un nouveau motif, une nouvelle trame. De larges bandes d’encre apparaissent tandis que de légers quadrillages affleurent. J’ai voulu trouver un équilibre, proposer un jeu graphique encore jamais réalisé dans mon travail. L’impression digitale complète la sérigraphie. Par exemple, certains de mes tissages sont imprimés en Bleu. J’ai choisi cette couleur car, proche du Noir, elle nuance
mon corpus. Profond, le Bleu donne une dynamique aux toiles blanches. Elles vivent. »

Exhibitions views from :

On hold
October 2020
Sunday-s, Copenhagen